Fracture de la Fraternité.
Passé le drame du
7/01/15 et la magnifique démonstration du 11/01/15, on a pu lire dans tous les
média, « Fracture ! », résumant ainsi la manifestation des
nombreuses marques de soutien aux assassins constatées dans les écoles. Alors,
la première réaction responsable que l’on doit avoir est de se demander d’où
vient cette fracture. Est-elle seulement religieuse, formulée contre la
laïcité, ou bien prend-elle sa source plus loin, plus profondément dans le
fonctionnement économique et social de notre société.
Tout d’abord, il
convient de fixer ce que l’on entend par NATION. Je pose, moi, que la Nation
doit représenter une communauté de destin de tous ses citoyens. Et la
citoyenneté implique déjà qu’ils communient dans la même foi et le même amour
des valeurs de la République :
Démocratie, Liberté, Egalité des droits, Fraternité. Cette dernière, la
fraternité, est justement celle qui subit aujourd’hui la fracture. Fracture
entre les frères. On peut
l’expliquer assez justement par un
manque de ressenti d’un destin commun, d’espoirs partagés, de chances égales
offertes dans la recherche de son avenir personnel. Or, la Société Française
est devenue profondément inégalitaire...
Le fonctionnement de sa
démocratie pose problème. On voit bien que dans tous les stades de son
déroulement, ses élections, ses prises de décisions, le vote de ses lois, leur
application même, l’intervention de lobbies très riches et très organisés, imposent
par leur influence, la marque d’un dévoiement de la démocratie, de son sens et
de son respect. En France, l’argent, s’il ne
peut pas encore tout, peut déjà beaucoup trop !
La lutte du Capital
contre le Travail, n’est pas finie. On voit que le chômage de masse favorise
l’augmentation des dividendes, et c’est ainsi que l’on verra se creuser au fil
du temps, le gouffre qui sépare les trop riches des trop pauvres. Lorsqu’un ouvrier
chômeur désespéré voit s’afficher les salaires des PDG, auxquels s’ajoutent les
bonus, les stock-options, la retraite chapeau, et même une prime de départ,
tous ces chiffres s’exprimant en millions d’Euros, on peut se demander où le
chômeur pourrait aller chercher ses sentiments fraternels à l’égard de ces PDG
voraces insatiables qui, en outre, affichent partout, une morgue de
grand-seigneur.
Les rites de la République
ne sont pas exempts de responsabilité dans cette situation de fracture. Les
« très riches » arborent
souvent, au revers du veston, la légion d’honneur. Les citoyens, peuvent
en toute bonne foi, se demander s’il ne s’agit pas là d’une distinction
rituelle que les puissants se distribuent entre eux, pour mieux se reconnaître
dans les cercles huppés. On reconnaîtra toutefois, que certaines personnes du
commun peuvent aussi être distinguées de ce ruban rouge. Mais il s’agit
toujours, immanquablement, pour des faits réellement héroïques : militaires, policiers,
sauveteurs et autres héros, qui, en général, ont risqué ou perdu la vie.
Nuance !!!!
Fracture !
Rupture ! S’est-on suffisamment demandé si, l’école d’abord, et les
responsables politiques du Pays, ensuite, avaient pris un soin suffisant à
préserver dans les couches populaires, l’espoir des parents, des enfants, leur
montrant que la République savait offrir à tous, l’égalité des chances, que
l’effort, le travail et le mérite personnel, pouvaient être justement
récompensés par la réussite.
Fracture encore,
lorsque le Capitalisme financier et la Finance spéculative s’arrogent la
possibilité d’accumuler capitaux et richesses sans fin, sans limites, en masses
universellement mobiles, tenant le monde sous la menace de crises dangereuses
et mortelles pour des populations entières. Fracture, par la transmission
injuste des héritages. Fracture voulue par des riches qui vivent dans leurs
quartiers, invisibles, mystérieux, qui s’amusent entre eux, se marient entre
eux, s’isolent dans leurs châteaux, leurs hôtels-particuliers, pour vivre leurs
rites, leurs coutumes, leurs « manières ».
Fracture, aussi,
lorsque des promesses électorales importantes, capables d’apporter un
réajustement modeste dans la répartition des richesses sont, au moment où les
élus sont en situation de pouvoir les appliquer, oubliées tout simplement.
Ainsi, oubliée la grande révolution fiscale, oubliée la taxe Tobin sur les transactions
financières internationales, oubliée la chasse aux optimisations fiscales des
grands groupes sous forme de prestations fictives avec leurs filiales établies
à l’étranger.
Fracture enfin,
montrant ces jeunes sortis d’un parcours scolaire chaotique, livrés à la rue et
à ses trafics, fantômes nocturnes, ignorés, qui découvrent un jour, qu’en
suscitant la peur, ils seraient vus, regardés, et reconnus.
On peut s’arrêter là. Ces exemples sont suffisants pour montrer qu’il
très difficile, impossible même, aux populations des classes populaires et
moyennes de se sentir en empathie, ou en cohabitation fraternelle avec les
seigneurs dominant notre monde, qui sont partout les maîtres, couverts par la
tutélaire mondialisation néolibérale, et son OMC. Il ne reste aux peuples qu’à
se tenir silencieux et obéissants, cherchant chacun pour soi, une relative
tranquillité, sans nourrir d’espoirs insensés qui ne feraient que les affliger.
On ne peut prédire ce qui se passera, demain. Chaque
peuple réagit à sa manière, selon son courage, sa culture, son expérience, et
son Histoire. La France, parviendra bientôt à la limite de sa résignation, de
son indignation, et entrera dans les turbulences
de la révolte. Quand ? L’Histoire décidera….
Y.C